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La Saintélyon 2019 - Sacré chantier !


C'est l'heure du bilan !

 

Une semaine après que le départ ait été donné, c'est le moment pour moi de vous laisser mes impressions de course. Une semaine, c'est le temps pour moi de réunir l'ensemble des souvenirs, d'être critique sur la course (ni à chaud, ni trop à froid. Objectif quoi.).

 

Avant de lire mon récit de course,  vous avez peut-être déjà lu les posts de certains élites, qui assurément manient aussi bien la plume qu'ils volent sur le parcours inondé de cette 66ème édition de la Saintélyon.

Le Goncourt revient à Baptiste CHASSAGNE (4ème de cette Saintélyon) qui nous conte ses aventures nocturnes avec "la Doyenne". Ça se savoure comme du petit lait, je vous invite à aller voir ça.

 

En aparté : On notera un podium masculin composé de Cédric FLEURETON (5h54), Manu MEYSSAT (6h02) et Romain MAILLARD (6h04) - et Baptiste CHASSAGNE 3 secondes derrière Romain M.

Le podium féminin est quant à lui composé de Camille BRUYAS (6h54), Sandrine FLECHET (7h27) et Lucie JAMSIN (7h33).

 

Et alors, nos bronzés ??? et bien tous finishers, et au vu des conditions dantesques que nous avons essuyées, nous ne sommes pas peu fiers !

Laurent se classe 1971ème (639ème V1M en 11h23), Vincent 1313ème (681ème SEM en 10h41), Gautier 453ème (261ème SEM en 9h22), et pour ma part, je me classe 178ème (104ème SEM en 8h35).


 

 

Rentrer dans la course

Je ne vous cacherais pas que dans ma tête, la course commence dès le vendredi soir. Le retrait du dossard constitue pour moi l'entrée officielle dans le grand bain (de boue...). On rencontre les autres concurrents, les élites, les amis, les connaissances et nos maîtres à penser sur certains stands (coucou Philippe PROPAGE !).

Le dossard en poche, on réalise quelques photos de groupe sous l'arche mythique, et direction l'appartement pour un bon repas de pâtes. Les dents, pipi et au lit !

Le samedi sera consacré à une petite marche entre copains dans les rues de Lyon, aux étirements légers, et au repos.

La pression monte...

21h, arrivée au Parc des Expositions de Saint-Étienne. Plusieurs petits marqueurs nous rappellent que nous partirons dans quelques heures pour un ultra-trail nocturne : 1. les milliers de coureurs qui couchent à même le sol pour profiter des dernières minutes de récupération/sommeil ; 2. le savoureux mélange de parfums subtiles, un mix entre la bouffe que les traileurs utilisent pour s'enduire l'estomac (le "hangar" accueille la pasta party aussi...) et l'odeur de la NOK que les traileurs utilisent pour s'enduire les pieds. Et pas l'inverse ! ; 3. la file interminable de coureurs qui attendent leur tour pour passer aux toilettes (si interminable qu'il ne faut pas loin d'une demi-heure pour accéder au trône ! certes, c'est assez court comparé à ce qu'attend le prince Charles en attendant que Maman Élisabeth lui cède le sien, mais ça paraît long comparé à un manège du Parc Astérix qui offre en général bien plus de sensations que de lacher une pêche dans un toboggan de porcelaine...).

Bref, le Parc Expo, c'est un bon condensé éclectique des expressions du traileur. Certains visages sont pétris d'anxiété, d'autres arborent de fiers sourires ; des coureurs blaguent, d'autres stressent. On pourra même en voir pleurer suite au coup de fil d'encouragement que la famille a eu raison de donner pour galvaniser l'athlète...

22h "H-1,5", nous décidons d'aller nous placer dans le sas de départ. Au vu de nos objectifs personnels, un départ dans le premier sas (donc parmi les 1500 premiers coureurs) serait l'idéal. En théorie, il s'agit là des plus rapides, et cela permettra d'imprimer un bon rythme dès le début de la course. 2 avantages : 1. Ne pas partir sur un rythme trop lent (qui peut être piégeux pour les courses longues) ; 2. Ne pas se retrouver dans l'entonnoir à l'approche du premier single qui apparaîtra autour du km 4.

Bon... il faut aussi faire attention à ne pas partir trop vite non plus ! Une course de 76 km ne se joue pas uniquement sur les 5 premiers.

L'attente dans le sas passe relativement vite. A l'image des sardines dans leur boîte, il est assez compliqué de s'échauffer correctement (... mouai, de s'échauffer tout court en fait !). Pour ma part, je saute sur place, je tourne les genoux, les chevilles... concrètement, je fais ch*** les coureurs autour de moi ! (si vous lisez ceci, je m'en excuse les copains !). A 60 mètres de là, on peut voir les élites s'échauffer tranquillement sur la ligne droite juste devant leur cage !

Je me remets les temps de passage en tête (ceux que j'avais préalablement notés sur un petit profil du parcours que j'avais plastifié à l'avance...), j'essaye de mémoriser les bosses, leur difficulté, et à quel km je devrais les rencontrer.

Tout ça pour dire que, bien qu'étant placé dans le sas bien en avance, le départ approche ! Une demande en mariage plus tard (ndlr : un concurrent de la LyonSaintéLyon qui a réalisé sa demande sur la ligne de départ), on y est enfin !

Le départ

Le départ est donné sur un air de "Light my Way" de U2. 1500 coureurs s'élancent (enfin, "piétinent"...) pour leur périple nocturne qui s'annonce frais et pluvieux.

Les sensations ne sont pas mauvaises sur les premiers kilomètres. Je passe ceux-ci à une allure inférieure à 5min/km, ce qui me permet de me placer dans le premier gros paquet avant d'entrer dans le premier single où la majorité se met à marcher. Je ne sens pas de difficulté sur les premiers 10 km, que j'avalerais en moyenne à 5':24" du km avec 260mD+. Globalement je passe le 10km avec 8minutes d'avance sur le temps que je m'étais fixé. Vais-je trop vite ?!

Et puis, surprise, la pluie ! Un bon rideau de flotte qui nous tombe dessus après une cinquantaine de minutes passées au sec. Une pluie battante qui ne nous lâchera qu'une fois arrivés à l'abri dans la halle Tony Garnier à 66 km de là ! Emmerdement n°1 donc...

Le début des problèmes

La loi de Murphy, vous connaissez ? Vulgairement appelée la loi de l'emmerdement maximum, la loi de Murphy, annonce que quand quelque chose tourne mal, quelque chose de pire se prépare déjà, et apparaît !

En plus de la pluie, je commence à avoir une sensation désagréable au niveau de l'estomac, sorte de contraction, puis des points de côté (chose qui m'arrive très rarement...). Je passe donc les kilomètres suivants avec une envie de vomir, et beaucoup d'appréhension. Emmerdement n°2, validé !

Le premier ravitaillement approche, Saint-Christo-en-Jarez, km 18. J'y passerais après 1h47 de course. Je conserve toujours 7 minutes d'avance sur mon objectif. Je prends au passage quelques dés de gruyère, 2 tranches de saucisson, 2 TUC et une demi clémentine. Je remplis les 2 flasques de 500 ml que j'avais préparées mais non remplies, et GO ! je passe 2 minutes au ravitaillement et repars en marchant rapidement le temps d'avaler les quelques vivres volées au passage. Je repars plutôt bien, avec du rythme jusqu'à l'emmerdement n° 3... des crampes aux mollets et ischio-jambiers. C'est une blague ?! Je n'ai que très rarement des crampes, et là, au km 22 (alors qu'il me reste environ 54 km à parcourir), j'ai des crampes ?! Je me remémore les vingts premiers km : j'ai bien pensé à m'hydrater suffisamment (donc ni trop, ni trop peu), je me suis alimenté correctement... ce n'est quand même pas à cause de 4 dés de fromage que je crampe ?! Bref, c'est l'incompréhension (encore aujourd'hui, même si j'ai quelques idées de la cause - plutôt posturale). J'arrive à les chasser temporairement en réalisant quelques étirements sur le bord du chemin. Je perds une petite minute et je repars au train, en jouant entre la puissance dans les jambes, et l'apparition de ces fichues crampes.

Le second ravitaillement est en vue : Sainte-Catherine, km 31. C'est le ravito le plus connu, puisque c'est le ravito qui comptabilise le plus d'abandons. 683 / 1214 pour être précis. Pour ma part, les nausées sont plus ou moins reparties, même si les crampes campent toujours dans ces satanés mollets. Je passe à Sainte-Catherine en 3h08 avec 1080mD+. Je n'ai plus que 3 petites minutes d'avance sur mon objectif. Globalement, même si la moitié du dénivelé positif est déjà fait, j'ai du mal à imaginer rattraper du temps, ou du moins maintenir cette avance. Je suis physiquement limité par les crampes qui m'obligent à stopper 1 minute tous les 5 km pour m'étirer.

Je décide donc de ne plus me baser sur les temps de passage que j'avais définis, et de faire ma course à la sensation, en privilégiant le plaisir et non le chrono... la révélation !

Les jambes répondent, le cœur aussi

A partir du km 35, je suis focalisé sur mes sensations. Il est vrai que j'avais évalué mon objectif sur des conditions de course "normales". Et concrètement, on est bien loin des conditions optimales pour performer !

La tête vide de toute préoccupation, je me rends compte que malgré quelques apparitions de crampes par-ci par-là, globalement, les jambes répondent bien, le cœur aussi, et je n'ai pas de petit bibi ou bobo qui m'handicape.

La vraie course commence, la course plaisir, celle qui fait que l'on s'entraîne dur durant plusieurs semaine afin d'être "facile" sur la course (une sorte de principe de Pareto en fait ! : 80% de travail et 20% de plaisir). Je suis rassuré, je ne me projette plus sur le temps final ou le classement, mais au vu du nombre de personnes que je rattrape, je sens qu'il ne sera pas trop mauvais !

J'aurais peut-être dû prendre mes palmes !

Un chose est sûre, les conditions climatiques sont affreuses, et nous sommes tous d'accord sur ce point.

Le 3ème ravitaillement approche : Chaussan, km 41. Pour moi, le ravitaillement le plus dur ! il est situé en haut d'un bosse, en plein vent. Le sourire et les mots des bénévoles réconfortent. Leur soupe aussi !

 

En aparté : j'avais vraiment meurflé l'année passée à ce ravitaillement. j'étais frigorifié, à bout de force. Si je peux vous donner un conseil, si vous souhaitez faire la Saintélyon un jour, et que le mauvais temps est annoncé, pensez à prendre un rechange, au moins pour le haut (un maillot technique et un sweat thermique). Vous vous réchaufferez plus vite et la suite de la course sera bien plus agréable ;-)

 

Je recharge une de mes 2 flasques seulement, et je repars ! Dans les chemins de plaine : des ornières et de la boue à volonté. Dans les sentiers de forêt : des racines et de la boue. Dans les descentes : des racines, des ornières, des pierres et de la boue. Dans les montées, des torrents de boue. J'essaye tant que je peux de mettre du rythme sur les portions où l'adhérence et la pente me permettent d'envoyer un peu plus. A l'approche du 4ème ravitaillement, Soucieu-en-Jarrest, km 53, j'imprime un rythme proche des 5':30''/km. La fatigue se fait légèrement ressentir dans les jambes. Je passe environ 7 minutes au ravitaillement afin de changer mes gants, m'étirer, me ravitailler et surtout, me réchauffer ! A ce moment de la course, j'ai 23 minutes de retard sur mon objectif. Je repars en me disant que le plus gros du boulot est fait. Je n'ai pas de pépin physique (hormis les crampes qui persistent). On poursuit l'effort !

Les kilomètres suivant sont à l'image des derniers. Le terrain est difficilement praticable à cause du manque d'adhérence. Un vrai "casse-pattes" ! Je comprends que sans travail préalable de proprioception, il y a moyen de se retrouver avec des chevilles enflées comme des melons, voire même d'y laisser un genou !

Comme j'aime à le dire "Je suis étanche, je suis Normand !", et ayant l'habitude de m'entraîner dans des conditions assez souvent pluvieuses (et boueuses !), je ne suis pas découragé par le chantier, contrairement aux nombreux coureurs que je peux rattraper sur le parcours.

Je sens que j'ai les jambes, donc je ne marche pas, et ça paye. Entre le km 53 et le km 65, j'aurais rattrapé 26 coureurs, puis 25 autres entre le km 65 et l'arrivée...

Le dernier ravito s'annonce, Chaponost, km 65 (justement on en parlait !). J'y aurais passé environ 2 minutes, juste le temps d'étirer chacun des deux mollets, et de prendre un verre d'eau et l'équivalent d'une clémentine et demi. Chaponost, c'est un peu comme l'arrivée, mais trop tôt ! Donc tu repars pour 11 km encore, mais tu sais que, sauf évènement exceptionnel, tu seras finisher.

Le finish'

Les derniers kilomètres seront difficiles, je parviens à envoyer quelques km en dessous de 6':00"/km, mais les dernières bosses (70ème et 72ème km) auront raison de mes cuissots !

La fin du parcours est relativement roulante, on file sur les quai pour une toute dernière montée de marches avant d'attaquer le pont Raymond BARRE. Sur le pont, on s'accroche, on essaye de ne pas mollir, on repense aux moments passés, et surtout AU moment à venir : le passage sous l'arche.

Je savais que mon objectif principal (moins de 8h) était largement dépassé, hors d'atteinte... mais le second, qui était d'arriver avant le jour, était quasiment rempli (un ciel bien nuageux et épais aide à remplir cet objectif au petit matin...).

Dans le dernier kilomètre tout se fait ressentir : la fatigue générale, les douleurs physiques, mais aussi et surtout l'émotion, la fierté de passer sous l'arche dans quelques minutes. Comme pour essayer de gratter les moindre petites secondes (après plus de 8h30 de course...), j'allonge la foulée, me redresse... ah mais non, c'est parce qu'il y a les photographes !

L'arche n'est plus qu'à quelques mètres, je traverse l'avenue Tony GARNIER, et vient le moment, d'enfin, lever les bras et s'emplir du sentiment d'avoir fait le taff, d'en avoir bavé, mais d'être enfin arrivé. Je franchis la ligne d'arrivée en 8h35min29s.

Le bilan

A conditions climatiques équivalentes, j'améliore grandement mes performances entre la 65ème et la 66ème édition de la Saintélyon.

 

Saintélyon 2018 (conditions climatiques comparables) : 10h53min07s pour 81km 2100mD+ 2400mD-, 1191ème/5048 arrivants.

Saintélyon 2019 : 8h35min29s pour 76km 2100mD+ 2400mD-, 178ème/4461 arrivants (165ème homme et 104ème SEM).

Je suis donc très satisfait de ma performance, ce qui me permets d'envisager une saison 2020 avec encore de beaux objectifs, et la volonté de maintenir le rythme et améliorer encore mes performances.

 

Mon autre satisfaction, c'est d'avoir partagé de bons moments avec les copains (même quand ils sont fatigants ! ;-) ), j'ai déjà hâte de caler le prochain week-end avec vous les gars !

 

En attendant, place au repos, à la récup', la prochaine aventure le 5 avril 2020 !